Place du Dialogue : 30 minutes de conversation avec 4 inconnus, ça vous dit ?

Il y a une vieille dame aux lunettes rouges et à l’allure moderne, un jeune en jogging et casquette, un homme d’une soixantaine d’années aux chaussures fatiguées, une jeune fille aux cheveux orange. Tous quatre sont assis sur des tabourets en carton, concentrés. A partir d’une question – comment je vis cette période d’élection présidentielle ? – ils prennent la parole tour à tour, font part de leurs idées, de leur vécu.

Qu’est-ce qui a réuni ce groupe disparate ? Rien, si ce n’est que tous les quatre traversaient la place de la République à Paris ce jeudi soir vers dix-neuf heures et se sont chacun laissé tenter par une expérience aussi simple que inhabituelle : venir dialoguer pendant trente minutes avec trois autres passants.

Quelques signes matérialisent la « place du dialogue » : des tabourets regroupés par cinq, des animateurs, une affiche qui présente l’intention derrière cette initiative apolitique – diffuser dans notre société une culture du dialogue respectueuse de chacun, grâce à des espaces de dialogue éphémères.

Seule condition pour participer : jouer le jeu, respecter quelques règles : le dialogue porte sur le thème affiché ; il dure les 30 minutes prévues, ni plus ni moins ; chacun peut exprimer ce qu’il souhaite, en lien avec le thème ; toute violence, physique ou verbale, est bannie. 

L’intention est de mieux se comprendre, pas de tomber d’accord. Pour s’exprimer, il faut avoir entre les mains le galet qu’on repose par terre  lorsqu’on a terminé de s’exprimer ; les autres écoutent celui qui s’exprime. De façon subtile, ce cadre, cette intention, ces modalités changent la tonalité de la discussion. Le rythme est plus lent que celui d’une conversation “ordinaire”. La qualité d’écoute, de présence est inhabituelle. Les silences permettent d’assimiler, de réfléchir. La conversation gagne en profondeur.

Au sein de chaque groupe de quatre participants (et d’un animateur), la conversation démarre très vite, à peine les quelques règles présentées. Parler de ce qu’on vit à un public attentif, c’est irrésistible. La jeune femme grunge est étonnée des échos que trouvent ses paroles chez la retraitée ; à son tour elle se passionne pour le témoignage de son interlocutrice. Les participants expriment la colère, l’inquiétude, le soulagement – pour l’un d’eux les larmes au soir du premier tour. Pas de jeu de rôle, de posture, il n’y a aucun autre objectif que d’exprimer ce qu’on vit, et de faire un petit pas dans la compréhension de ce que vit l’autre.

Comment rester de marbre quand l’un d’eux, les yeux dans le lointain, déclare que ce moment lui a rappelé les discussions enflammées des tablées de son enfance, animées par sa mère où, les enfants sur les genoux, tous pouvaient parler pendant des heures ?

Et puis le timer sonne, les trente minutes sont écoulées. L’un a rendez-vous, il est l’heure pour un autre d’aller faire la queue à la soupe populaire. La parenthèse se referme. Oui mais voilà, pendant trente minutes, ils ont suspendu le fil de leur soirée, se sont intéressés à des personnes à qui ils n’auraient jamais parlé dans d’autres circonstances, se sont exprimés à cœur ouvert, se sont étonné de leurs points communs, au-delà des apparences,

2 réponses à “Place du Dialogue : 30 minutes de conversation avec 4 inconnus, ça vous dit ?”

  1. Bonjour!
    J’ai vu votre action et je la trouve géniale ! Je voulais savoir si le 19 mai prochain il y’aurait une place du dialogue à Lille ?

    Si non pourquoi pas essayer de l’organiser ou être animateur ?

    Merci beaucoup !

    Cordialement,

    Basile Delefortrie

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